Le mondial Micro 2017 s'est déroulé à Annecy à la SRVA du 19 au 25 août dernier. 68 Micro étaient présents, record national pour cette compétition.
Revenons sur cet événement organisé de mains de maître par Jacques Pottier, Didier Matthieu et l'équipe de la SRVA.
Texte : Lionel Souliman / Photos : Wilma Wilms et Marc Muller
Samedi 19 : jour de jauge
Petite interview d’un bénévole.
« Juge de jauge… Mon nouveau job d’intérimaire bénévolant du week-end.
Comme dans tous les sports mécaniques, il convient de contrôler préalablement les impétrants et leurs matériels de glisse. Il faudra presque deux jours pour fouiner dans tous les mâts, toutes les voiles et toutes les coques. Me voilà bien obligé de prendre un air important en dodelinant légèrement de la tête afin d’acquiescer sur les bons chiffres validés par les boss. Le parcours du combattant c’est pour les régatiers aspirants champion du monde qui ressortiront avec le fameux sésame lourdement oblitéré de quatre contrôles.
Je ne suis pas habitué tant que ça dans ma propre vie à appliquer les règlements de manière aussi drastique. Non pas que je combatte les règles mais je les oublie tout simplement à la manière des doux rêveurs. Vous imaginez le choc.
Bah, c’est ainsi et il faut se soumettre, de fait tous les concurrents aligneront des engins dont aucun d’eux ne pourrait subitement accélérer de manière équivoque.
Remarquez, certains le feront mais ce sera mis sur le compte de la compétence et de l’expérience et non pas du bidouillage à la limite de la tricherie.
Nous n’irons pas jusqu’à couler les embarcations pour voir si elles remontent bien toutes seules gonflées à bloc par des barriques de mousse, on se contentera de les coucher pour voir comment elles se redressent.
Je vous laisse, je repars mesurer :
un tangon bien trop long,
un génois qu’est pas droit,
un grand spi qui a le tournis,
une sangle qui s’étrangle,
c’patara dans d’beaux draps
JACQUES (ndlr le grand jaugeur de la SRV Annecy)… AU SECOURS ! »
Ben Aivol
Dimanche 20 : Un bout d’Europe et du monde à la mairie
C’est d’un pas légèrement solennel que les délégations cheminent vers le bâtiment le plus officiel de notre bonne ville d’Annecy.
Des Argentins rigolards aux Polonais concentrés en passant par les Russes solides, les Italiens charmeurs, les Allemands au pas, des Serbes égarés tout autant qu’un représentant letton et pas moins que son collègue kazakh sans oublier les équipages français, locaux ou pas, tous se demandent à quelle sauce ils seront accueillis.
Ce qui explique leurs démarches moyennement assurées, les genoux vibrant doucement en attaquant les marches de la salle de réception.
Demain tout ce monde se frottera directement sur l’eau, en tentant d’oublier cette foutue petite boule qui racle l’abdomen avant chaque départ.
Mais pour l’instant, ce lâché de skippers sourit dans le vide et écoute religieusement le discours empesé qui convient dans ces circonstances. Les ors de la République accentuent l’effet incontournable qu’on s’était efforcés d’oublier :
La pression d’un rendez-vous autrement différent de ceux auxquels nous sommes habitués.
Avions-nous réellement pris conscience de l’instant ?
Nous le saurons à partir de lundi après-midi avec le lancement des premières manches.
Un lundi presque sacré
Ou plutôt un sacré lundi, celui que tout le monde attendait depuis des mois, aussi bien du côté des organisateurs que de celui des concurrents. Cette ligne virtuelle de la première manche, nous l’avons toutes et tous imaginée et pas qu’en rêve et pas qu’une fois. Il n’y a pas de fierté, mais seulement du bonheur, il n’y a pas eu de prétention mais seulement de l’ambition, celle de fabriquer un formidable moment de partage et de synergie. Je le précise ici car pendant que vous lisez ces lignes, d’autres groupes de personnes s’effondrent dans un chagrin incommensurable obligés de subir la loi du glaive à la place de celle du starter.
Hommage vitreux vers l’Espagne.
La course devient subitement plus belle, plus forte, plus humaine. Ce sera « pas de cadeaux » mais au bout de la journée les skippers se respecteront de tournée en tournée au zinc d’un bar interlope mais sécurisant.
La différence n’échappera à personne.
Les bateaux attendus n’ont pas failli et les outsiders conservent toutes leurs chances.
Les amateurs bleus du club ou pas loin découvrent les vibrations d’un départ géant et le souffle terrifiant des bateaux frôleurs. Ils en ont voulu, ils en ont eu.
Dès demain, on surveillera plus particulièrement l’équipage de Kumpelka avec à bord Maxime Brunel et Lionel Tissot qui se place en 3e position sur la première manche.
Après un round:
1 et 2 Pologne, 3 France.
Mardi 22 : Annecy ou Hollywood ?
Un mardi qui démarre sous les hospices bénis du soleil, du vent, et de ces contours rupestres qui continuent d’époustoufler les équipages étrangers. Que pouvions-nous espérer de plus que cet environnement de cinéma même si un peu d’attente est nécessaire au quai pour faire venir les conditions éoliennes salvatrices.
Au cinéma aussi les acteurs se plaignent de l’attente entre deux prises, pourquoi pas nous entre deux courses ?
On commence à deviner plus ou moins la configuration finale de ce championnat du monde. À savoir que ce sera difficile de coller aux fesses de quelques protos de l’Est si techniques, si précis et tellement entraînés. Tant pis, les outsiders s’emploieront à fouetter leurs montures de plus belle, on ne sait jamais un pur-sang de légende peut se révéler à l’occasion.
« N’oubliez pas vos éperons les garçons, une fois sur l’eau il faut faire avec le matos de bord. »
Les comédiens du western en cours sont repartis ce matin fourbus mais contents au large du quai de la SRV Annecy. Le régal est tel qu’on pourrait en oublier le classement. Foin d’un oubli de ce genre, les guerriers du stade aqueux ne vous passeront rien, sauf eux devant votre étrave.
Souvenez-vous :
« Dans la vie il y a deux sortes de gars, ceux qui creusent et ceux qui tiennent le révolver. »
Alors, qui creusent ?
Mercredi 23 : Ça s’agite des les starting blocks
On le savait, on l’a dit, c’est arrivé, le vent a crevé.
Même lui peut s’essouffler vous savez, on ne peut pas être toujours à fond. Et puis tester les nerfs des coureurs assis, appuyés ou carrément écroulés aux abords du club ou au fond des cockpits fait partie des petits plaisirs que les forces divines des gaz dispersés se réservent pour se jouer des humains.
C’est de bonne guerre d’infliger ces modestes tourments à celles et ceux qui osent penser qu’entre eux et le vent, il y a connivence.
Que nenni les chéri(e)s.
Le vent est roi et vous êtes ses sujets, vous lui devez allégeance et accepter de ramasser ses oboles avec déférence et modestie car demain il peut très bien secouer dans tous les sens votre petit bateau ridicule dont il ne ferait qu’une bouchée si l’envie lui venait de vous avaler.
On comprend ce terrible constat que lorsqu’il y a
pétole la carène colle mais demain vous chanterez tous en chœur « Vive le vent » pour autant qu’il nous emporte – Gone with the wind –, ses promesses étant toujours à prendre avec des pincettes.
Fermez les yeux et sentez-le revenir doucement soulever cette mèche de devant qui vous énerve tant. (poète inconnu)
Jeudi 24 : Bienvenue maître Orage
« C’est par ici, je vous en prie, installez-vous confortablement au centre du lac, on vous attendait. »
Fallait les voir les huiles du comité s’activer d’un coup, sentant que les affaires reprenaient.
Jamais vu autant de monde pressé de se jeter dans la gueule du loup et remercier le ciel de se faire matraquer sous peu. Si je savais de quoi je parle je serais tenté d’évoquer la loi de la relativité mais littéraire cette fois, et qui consiste à penser que les choses n’existent que par l’idée qu’on s’en fait.
Et paf, non mais !
Évidemment, dans la précipitation, certains canots ont connu quelques difficultés à quitter le quai dans le début de la tourmente et surtout ceux qui occupent provisoirement les places du bout du bout, là où les ondulations entremetteuses permettent aux mâts et sans notre autorisation de se faire quelques bécots croisés. L’effet est instantané, tout se mélange et pendant que les voiles claquent les équipiers s’énervent. Vu du quai, c’est toujours un régal.
Pendant ce temps la flotte progresse jusqu’au lieu du sacrifice…
Je ne sais pas si les champs magnétiques liés aux éclairs et coups de tonnerre associés ont boosté la carène rouge du bateau maison Kumpelka mais c’est bien lui qui a résisté à l’attaque des représentants de la RzeczypospolitejPolskiej pour franchir en vainqueur la ligne de la manche longue du championnat.
La course continue…
Vendredi 25 : Il est chouette ton tee-shirt
Et il prouve surtout qu’ils en étaient les bénévoles de cette fête qui restera gravée dans les annales du club.
Une vraie petite armée de petites et grandes mains qui ont réservé plusieurs semaines pour occuper tous les postes des plus prestigieux aux plus obscurs. Tout au long de la journée les fourmis rouges (qui n’ont pas attendu que le beurre soit fondu) ont sillonné la zone en tous sens répondant même aux sollicitations qui ne les concernaient pas. On appelle ça l’adaptation spontanée qui précède immédiatement la résilience effective. Voir papy Cyrulnick pour aller plus avant dans la démonstration.
On leur doit purement et simplement la faisabilité de cet événement et le comité organisateur le sait mieux que personne. Comme les bénévoles le savent aussi, ils se garderont bien d’attendre quoi que ce soit en retour – ce qui anéantirait d’un coup la qualité de leur action –et retourneront à cette forme d’anonymat qui caractérise les membres bienveillants et lucides du club.
Un acte éphémère quoi
La récompense ?
Voir l’étrave cramoisie de « notre » bateau pointer son nez devant les favoris de l’Est au cours d’une remontée longue sous spi que nous connaissons toutes et tous pour l’avoir accomplie moult fois.
Je suis convaincu que leur belle prestation a été rendue possible aussi parce qu’un certain nombre d’embarcations performantes du club bataillaient dans le peloton, éparpillés un peu partout pour pointer des adversaires remontés. Une sorte d’encerclement, même par l’arrière, qui aura fait trébucher les cadors.
Sun Zi (l’art de la guerre) aurait sûrement apprécié cette nouvelle tactique par effet de pénétration dans le groupe à la sauce microbienne.
Il ne fallait pas trembler au moment de porter l’estocade et fermer la route. Pour cette émotion, Maxime et Lionel soyez ici remerciés, cette victoire vaut toutes celles cumulées de notre programme de régates depuis belle lurette.
Résultats :
1- Pologne / roca stavo de Piotr Tarnacki
2- Pologne / nr1jaja2 wolnego wybiegu de Piotr Ogrodnick
3- France / kumpelka de Maxime Brunel et Lionel Tissot de la SRVA
Fermez le ban
Sur le quai abandonné…
Sur le quai abandonné
Les micros qu’ont déserté
Qui l’eût cru déplorent la fin des chevauchées
Sur le lac des beaux voiliers…
aurait pu chanter notre « BB » nationale si elle s’était intéressée un tant soit peu à la voile au lieu de s’occuper de savoir si elle risquait un débarquement de métèques sur son rivage de la Madrague.
Les lendemains de bringues sportives ou d’un autre style pour les plus résistants qui les auront probablement cumulés ont toujours un drôle de goût de fin de raout.
Délivrance ou sentiment d’inachevé ? ce sera l’un ou l’autre selon votre interlocuteur.
Quoi qu’il en soit, il faudra un certain temps pour redonner à notre club pittoresque son profil habituel. C’est le prix à payer quand on veut jouer les Goliath dans le monde impitoyable des Dallas de la voile.
Il semble qu’au final tous les membres de notre vénérable institution se réjouiront de redevenir David tout en tâtant dans leur poche le lance-pierre qu’ils n’ont jamais cessé de triturer.
Retour aux affaires courantes !