Championnat du monde en Micro en 2022, un titre et une belle histoire de famille !
Cette année, pour parcourir les 1600 km pour aller au championnat du monde des Micro en Italie, à Castiglione Del Lago, nous n’avons pas eu de remorque cassée ! Mais nous y avons pensé tout le long du voyage… Comme l’an dernier pour le championnat d’Europe à Martigues, père, fils et petit-fils sont dans les starting-block pour en découdre. On prend les mêmes et on recommence, avec Sylvie pour l’intendance. Mais chez les Nicolas, il se passe toujours quelque chose… Nous avons eu quelques frayeurs, à l’aller et au retour, pour rester dans la lignée des aventures habituelles !
Premier arrêt à l’aller et premier coup de stress. Nous étions attablés autour d’une table de pique-nique sur une aire d’autoroute, avec le bateau stationné en épi le long d’un camion. Un gros semi-remorque recule pour se garer ente notre véhicule et l’autre camion. Sylvie s’inquiète, comme d’habitude, et Guillaume la rassure : « Ce sont des professionnels, ils savent manœuvrer ». Crac ! un grand bruit, des cris… Le semi-remorque a embouti l’autre camion ! Avant enfoncé et pare-brise cassé. Nous, nous n’avons rien mais gros coup de stress. Cette fois ci, la chance est de notre côté ! Après une halte du côté de Chambéry, notre vieux Multivan avale les kilomètres sous la canicule.
Mais au retour, nous avons eu bien peur de revivre de nouvelles galères. Sur l’autoroute, vers 23 heures, je passe le volant à Guillaume. Le voilà qui roule à 60 km/h … Accélère ! Il me répond qu’il est « pied au plancher ». Horreur, serions-nous maudit après notre mésaventure de l’année dernière ? Qu’arrive-t-il ? L’attente jusqu’à la prochaine station-service est longue, plus personne ne respire dans le camion. L’aire du centre de la France se profile avec une sortie toute en montée. 50, 30, 10 km/h…va-t-on franchir la côte ? Montée d’adrénaline pour nous. Ouf, arrêt sur un espace sécurisé. Je demande à Guillaume de ne pas couper le contact. Capot relevé je vérifie toutes les durites de turbo, rien d’apparent ! Je me mets au volant, coupe et remets 6 fois le contact… Peut-être que cela va faire un « reset » du calculateur comme sur certains véhicules… Je redémarre, le moteur reprend ses tours ! Et c’est reparti ! On respire…
Ce long voyage sur 2 jours nous a permis cette année de nous installer tranquillement au camping de Castiglione Del Lago et de pouvoir participer à la jauge dès le premier jour à 10 h. Heureusement, car elle durera jusqu’à 18 h ! C’est donc une longue journée caniculaire qui nous attend. On s’organise : Guillaume fait la queue pour la jauge du mât et de la bôme, Patrick pour les voiles. Florian fait l’arpète à la demande des jaugeurs pour présenter tout un tas de matériel à contrôler : aller chercher les papiers, les ranger, les ressortir, repartir chercher les gilets de sauvetage, puis l’ancre, puis repartir récupérer la chaine d’ancre à mesurer, les bouts de remorquage…Sylvie apporte de l’eau, de l’eau, encore de l’eau. Elle, qui ne parle ni anglais, ni italien, régule de son côté l’inscription car un équipage polonais a refusé de se voir attribuer le numéro 13 qui nous a donc été dévolu. Mais dans l’échange, nous avons reçu leurs trois tee-shirts, XXL ! Il s’agit donc de récupérer les bonnes tailles. Avec le sourire et les gestes, on arrive bien à communiquer, Florian venant parfois à notre secours pour parler anglais.
Tout se passe bien pour le mât et la bôme avant que le jaugeur annonce que nous devons couper notre tangon de 18 cm ! Comment est-ce possible ? Il n’a pourtant pas pu grandir depuis le dernier championnat d’Europe ! Heureusement, le jaugeur est français et nous explique comment le mettre en conformité rapidement en positionnant un limiteur sur le bout d’envoi des tangons. Ce jaugeur, Bruno, nous allons apprendre à bien le connaitre tout au long du championnat…
Au niveau de la jauge des voiles, l’attente est interminable… Les Polonais ont plusieurs focs étalés sur la table de jauge et le jaugeur ne s’active pas dessus ! Il faudra attendre plus de deux heures avant qu’une décision ne soit prise pour ces voiles qui ne rentrent pas dans la jauge actuelle de la série. Sous la pression des polonais qui menacent de se retirer du championnat, les organisateurs cèdent et acceptent ces focs… Je vais quand même réussir à faire jauger mon nouveau spi. C’est une jauge complète, alors que les autres voiles ayant déjà le tampon de jauge de l’année dernière seront tout simplement tamponnées sans les sortir du sac. Pour finir, c’est la pesée du bateau. Vingt-quatre kilos de trop ! Les plombs sont notés sur le certificat de jauge, nous ne pouvons donc pas les enlever. Le bateau est bien « vintage » avec ses 38 ans de navigation. !
Bilan de la première journée : Un bricolage à inventer pour compenser la perte sur la route du chariot de foc tribord (parti avec les vibrations de la route…) et le constat d’une équipe d’organisation souriante mais un peu dans le flou des règlementations, laissant la place à l’improvisation. L’équipe d’organisation n’aura pas réussi à jauger l’intégralité des 34 bateaux en une seule journée. Pourtant, je me rappelle qu’à Kiel en Allemagne, où nous avions couru avec ma fille le championnat du Monde des 5o5, la jauge des 175 bateaux avait été faite en deux jours…
Le lendemain, dimanche, nous sommes prêts pour une sortie d’entraînement. Surprise ! Le niveau du lac est très bas. Trois mètres de moins... Beaucoup d’algues remontent à la surface. « De la végétation ! », disent les italiens qui n’apprécient pas le terme d’algues pouvant faire penser à de la pollution. Le chenal de sortie du port ne fait pas plus de 10 m de large. Comment faire pour sortir en tirant des bords dans un tel chenal ? Surtout que très vite notre safran fixe a faucardé une quantité impressionnante d’algues et que les bateaux qui s’y essayent se retrouvent posés par manque de profondeur. Plus moyen de virer de bord ! Il faut attendre une sécurité pour qu’elle nous sorte de ce chenal. Le vent est faible sur ce magnifique lac. Le temps de retrouver nos marques et d’essayer le spi neuf, le vent ne daigne pas dépasser les 5 nœuds. Nous rentrons au port.
Déjà, la polémique sur les focs des polonais enfle. Les polonais s’appuient sur une ancienne version de prise de mesures de la World Sailing qui plie les focs parallèlement à la chute pour faire disparaitre le positif. C’était légal en 2013 mais cela a disparu dans les mêmes règles de 2021-2024. Les voiles polonaises ont une chute positive ce qui leur donne un avantage certain dans le petit temps, favorisant ainsi l’écoulement laminaire le long des voiles.
Mais le soir, c’est la cérémonie d’ouverture du championnat du monde, dans la plus pure tradition. Défilé des différents pays dans la ville au son de la fanfare. Si les polonais sont les plus nombreux, des allemands, des slovaques, des autrichiens et des américains sont présents. Les français ouvrent la marche tout sourire, en dansant au son de la musique. Florian porte le panneau de la France, Guillaume agite le drapeau français sous le regard des villageois et journalistes. En fin de cortège, les italiens sont rejoints par toute l’équipe d’organisation. Discours et buffet de bienvenue sont appréciés dans cette jolie ville de l’Ombrie.
Le programme de lundi prévoyait une course d’entrainement à 11 heures et trois courses à suivre. Mais le vent est aux abonnés absents. Attente à terre…avec un briefing compliqué pour garder un semblant d’équité : Peut-on ou non relever le safran s’il y a des algues ? Mais tous les bateaux n’ont pas cette possibilité… Peut-on relever la quille ? Mais jusqu’à quel point pour garder la stabilité sécuritaire du Micro ? On évoque le fait de plomber les dérives… On n’a pas le droit de mettre les mains ou le tangon dans l’eau pour enlever les algues, on pourrait croire qu’on pagaye… Bien compliqué et bien flou. Le comité affiche dans la matinée l’autorisation d’utiliser les voiles à chute positive uniquement pour ce championnat…Décision étrange…
Le comité décide de nous envoyer sur l’eau aux alentours de 15 heures. Après attente à nouveau sur l’eau, le vent se lève de secteur ouest vers 17 heures pour atteindre jusqu’à 15-18 nœuds. Le comité envoie directement le pavillon U et certains coureurs, qui ne l’ont pas vu, en feront les frais, dont François Chrétien (Tortue).
Pour nous, le vent est bénéfique et nous allons faire nos deux meilleures courses du championnat. Nous sommes au contact des protos et nous terminons la première course 14ème. Bruno Drossat (Mad Max) finit 3ème avec son proto. Bravo les français ! La seconde course de la journée est notre plus belle course, notre plus beau souvenir : Imaginez, un départ canon, passage de la première bouée en tête devant toute la flotte, la bouée sous le vent aussi ! Le plaisir à l’état pur et concentration maximum au sein de l’équipage. Une petite erreur de tactique et un peu de vitesse en moins nous obligent à passer la deuxième bouée de près en seconde position. Sur le deuxième bord de vent arrière, nous ne pouvons rien faire face à la vitesse d’un proto… Un autre est juste dans notre tableau arrière…Il faut défendre âprement cette troisième place sur ce dernier bord qui nous mène à l’arrivée : marquage, ajustement des réglages, concentration et c’est gagné ! Une place de 3ème au scratch, il y a de quoi être fier. A la suite de ces deux courses, nous sommes largement en tête du classement vintage devant un proto Slovaque. Je vous rappelle que notre Neptune a 38 ans, alors que ce proto a tout juste 20 ans !
Mardi, trois courses sont au programme mais le vent est encore absent ce matin. Départ retardé une nouvelle fois pour réussir finalement à faire deux courses dans de touts petits airs en fin d’après-midi. Bruno en proto se maintient dans les 10 premiers en terminant 10ème et 6ème. Laurent Menier (Go Fast) avec son Flyer va faire une belle place de 7ème à la quatrième course. Pour nous, c’est un peu moins bien.et retour à terre à la nuit tombée. Il est juste temps d’aller faire les courses car sans réfrigérateur au camping, nous achetons au jour le jour. Mais les italiens ont des horaires adaptés à la chaleur et notre ami « Lidl » ferme ses portes à 21h30, parfait.
Pour ces courses de petit temps, les polonais ont sorti leurs focs avec la chute positive. Et la différence se voit bien. La tension monte dans le rang des coureurs… Au moment du départ, un polonais va chercher à nous faire monter au-dessus de la ligne de départ pour nous pousser à la faute. L’ambiance se dégrade …
La journée de mercredi se fera à terre, sous un soleil de plomb, à attendre le vent qui ne viendra pas. Le bar fonctionne à plein régime et les équipages s’installent sous les arbres. Les esprits d’échauffent et la décision d’accepter ces focs hors jauge nourrit les conversations. Finalement, nous serons trois Micros à oser porter réclamation, dont Iznogoud. Une seule réclamation sera traitée, celle de Bruno. Aucune nouvelle pour les deux autres, pas d’explication…Le jury décide que les focs de 2 coureurs seront rejaugés jeudi matin, pour vérifier.
C’est la soirée des coureurs avec un buffet dont nous ne verrons pas la couleur. En effet nous découvrons que Manfred, le jaugeur, s’est enfermé dans le club avec l’équipage polonais pour faire ses mesures dès ce soir, sans témoin, car il refuse la présence du jaugeur français, Bruno, qui a déposé aussi réclamation. Les 3 équipages français entrent alors dans la salle et exigent au moins un témoin. Ce sera finalement Florian qui va enregistrer et filmer la jauge, sans commentaire, pour un éventuel retour à la fédération mondiale de voile (World Sailing). Il pourra ainsi constater que les mesures se font toujours avec le règlement de 2013, sans tenir compte de la jauge Microclass. Manfred enchaine les voiles à jauger, y compris la grand-voile, même si le jury ne l’avait pas demandé. Bruno est tendu car si la réclamation n’aboutissait pas, ce serait au français de payer la jauge, soit environ 300 € par voile…Et il n’a pas demandé de jauger toutes les voiles ! Pour le second bateau polonais ciblé, c’est Guillaume qui assure ensuite la fonction de témoin. Cette fois, il attire l’attention de Manfred sur le fait que les voiles ne sont pas tendues à plat, que les mesures ne sont pas précises, que le document de saisie des mesures ne prévoit même par la mesure de cette chute positive…Rien n’y fera, les voiles seront validées pour ce championnat. Au-delà du sentiment d’injustice, cette soirée particulière, sans repas, sera néanmoins formatrice pour Florian et Guillaume qui découvrent ainsi la bataille sur le tapis vert et les enjeux financiers qui dépassent la course avec un maitre voilier qui a déjà vendu ce type de foc auprès de nombreux coureurs, sur fond de menace des Polonais de quitter le championnat si le jury n’accepte pas ces voiles.
Le lendemain, jeudi, c’est la course de longue distance, un parcours autour du lac, avec un vent très faible, vraiment très faible pendant les 4 premières heures de course et plusieurs reversements de situation au grès des bouffées d’air imprévisibles. Mais en fin d’après-midi l’orage monte… A la dernière marque de parcours, le ciel s’obscurcit, le vent monte très vite. On passe la bouée, et on envoie le spi. C’est chaud. Devant nous, juste à notre vent, Laurent échappe son stick, part au lof et dessale ! Derrière, les départs au lof sont nombreux. Le vent continue à monter… Le Neptune commence à être difficile à maitriser. Nous prenons alors une décision sage et nous affalons. Il reste un quart du bord de spi jusqu’à l’arrivée. Devant nous, un polonais affale lui aussi son spi. Plus loin devant, un italien casse son mât…et passe la ligne d’arrivée mât cassé. Il reste un seul bateau sous spi, c’est François ! qui va réussir à nous dépasser juste avant l’arrivée. Bravo ! Les français feront un beau tir groupé, avec Bruno 7ème , François 10ème , nous terminons 12ème, Laurent Menier 13ème , Robert Humbert 17ème (Liberté 2) sur son proto et Alain Champeau 22ème ( Zelof) sur son Flyer.
Pour oublier le buffet de la veille peu apprécié, son prix exorbitant pour les accompagnateurs pour manger une saucisse et une micro part de tarte, tous les français se retrouvent au restaurant dans la jolie ville de Castiglione. Spritz, antipasti et plats à la truffe nous régalent dans une ambiance festive appréciée de tous. Belle et joyeuse tablée bien arrosée !
La polémique sur la jauge des bateaux polonais continue : Certains bateaux n’ont même pas de certificat de conformité. D’autres se sont inscrits avec des certificats appartenant à d’autres bateaux… Comment est-ce possible ? Lors de notre inscription, le club a pourtant été très vigilant sur la présentation de nos documents de jauge. Qu’en est-il des inscriptions des polonais, la flotte la plus représentée ?
En urgence, le jaugeur s’attelle à la jauge complète de trois bateaux afin de vérifier et mettre en règle ces coureurs. Vont-ils être disqualifiés pour les courses déjà courues ? Il n’en sera rien !
Vendredi et dernier jour de compétition. Le vent ne se lèvera pas plus que les autres jours et les trois dernières courses vont se dérouler dans un vent faible très capricieux. François réussit à se hisser deux fois dans les 10 premiers en terminant 9ème à la sixième course et 10ème à la septième course. Pour celle-ci, les sautes de vent nous ont bien pénalisé .... En effet, après l’arrivée du premier bateau, le vent est totalement tombé. Quatorze voiliers n’ont pas pu finir dans les temps dont ce brave IZNOGOUD. Pour la dernière course de la journée, les deux protos français vont bien réagir et terminer 7ème pour Bruno et 9ème pour Robert.
La remise des prix voit deux équipages français monter sur le podium : François Chrétien, second en classement Racer et IZNOGOUD sur la plus haute marche du podium en Vintage ! Le sourire éclatant de Guillaume et Florian me remplit de bonheur. Trois générations de Nicolas ensemble pour gagner, le rêve !
Depuis mes débuts en compétition en 1962, mon crédo a toujours été : « Vous n’avez pas gagné la course si, en gagnant, vous avez perdu le respect des concurrents ». Je fais le vœu que pour l’avenir des Micros, un cadre de jauge international soit posé et partagé par toutes les nations et que nous puissions garder en France toute la souplesse et la tolérance nécessaire à la vie d’une série, sans tomber dans la course à l’armement pour les amateurs que nous sommes.
Sur la route de retour, nous en profitons pour passer deux jours à Florence avec une halte à Pise pour voir la fameuse tour. Sylvie avait eu un aperçu de l’Ombrie en visitant avec quelques accompagnatrices de coureurs la ville d’Assise dans la province de Pérouse et Montepulciano, une jolie province de Sienne, en Toscane, pour allier tourisme et shopping dans la bonne humeur, entre filles ! Les paysages de la Toscane sont magnifiques, tout en douceur entre les vignes et les champs dorés dans les collines, les cyprès et les pins parasols abritant de jolies bâtisses aux tons chauds, la lumière changeante nous donnant l’impression de circuler dans un tableau.
Nous avons déposé le Micro dans un camping à Florence pour découvrir l’architecture de la ville, le Duomo tout en marbre, les cathédrales, le pont Vecchio de et les petites ruelles ombragées par les toits en surplomb. Nous y avons recroisé une partie de l’équipage de Zedof, Maryline et Philippe avec qui nous avons échangé de bons plans sur les sandwichs italiens gigantesques et partagé glaces et repas au Mercato Centrale.
Finalement, cela fait 59 ans que je cours après un titre de champion du monde. Après plusieurs titres de vice-champion du monde, des titres de champion d’Europe et de France, il me manquait toujours ce titre suprême ! C’est fait, et de la plus belle manière que ce soit. En Italie à Castiglione, à la Micro Cup, en famille, avec mon fils et mon petit fils. C’est la plus belle des récompenses.